Le safari mécanique : mon voyage à bord du taxi le plus fou d’Afrique

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Je voyage pour fuir les sentiers battus. Ce que je cherche, ce ne sont pas les hôtels cinq étoiles ou les monuments listés dans les guides, mais les histoires, les rencontres, ces moments d’authenticité pure qui transforment un simple voyage en une véritable aventure. Et au Burkina Fasso, à Bobo-Dioulasso, j’ai trouvé bien plus qu’une histoire : j’ai trouvé une légende. Une légende faite de tôle, de poussière et d’une ingéniosité folle.

Tout a commencé par une rumeur, glanée au comptoir d’un maquis. Un expatrié me parlait d’un taxi pas comme les autres, une créature mécanique que l’on surnommait « L’indomptable« . Il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité. Après deux jours à poser des questions, on m’a finalement donné un nom : Salif Ouédraogo, alias « Salif Moteur ».

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Le rendez-vous était pris. Et quand je l’ai vue pour la première fois, garée sous un manguier, j’ai compris. Ce n’était pas une voiture. C’était une déclaration. L’avant agressif et iconique d’une Ford Mustang américaine des années 60, fusionné avec l’arrière utilitaire d’un pick-up Chevrolet. Le tout repeint en ocre, la couleur de la terre, et surélevé sur des pneus tout-terrain qui semblaient prêts à dévorer la piste. Une vision surréaliste, magnifique de brutalité et de poésie.

Salif, son créateur, m’a accueilli avec un grand sourire. Un homme au regard vif, les mains marquées par des décennies de mécanique. Il m’a expliqué qu’il avait construit son chef-d’œuvre à partir de deux épaves, un projet fou qui a duré plusieurs années. C’est d’ailleurs une histoire incroyable, si vous êtes curieux de savoir comment il a réalisé cette folle création mécanique, l’article en question est passionnant.

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Mais ce que je voulais, moi, c’était l’expérience. Et je n’ai pas été déçu.

Le simple fait de s’installer sur le siège passager est un événement. Le son rauque du moteur six cylindres qui s’éveille dans un grondement sourd n’a rien à voir avec les taxis habituels. Dès les premiers tours de roue sur la piste de latérite, on sent que la « Mustang Caballero » n’est pas faite pour le bitume. Elle est vivante. Chaque bosse, chaque crevasse est absorbée avec une robustesse surprenante, mais on sent la machine travailler sous soi. C’est une expérience mécanique brute, où le vent s’engouffre par les fenêtres et où la poussière rouge devient votre parfum.

Salif, lui, est le calme au milieu de cette tempête mécanique. D’une main experte sur le volant, il n’est pas seulement un chauffeur, c’est un conteur, un guide qui lit la brousse comme un livre ouvert. « Tu vois cet arbre ? C’est un karité, les femmes du village en font le meilleur beurre, » m’explique-t-il en ralentissant. Plus loin, il pile net pour me montrer les traces d’un phacochère qui a traversé la piste quelques heures plus tôt.

Nous avons traversé des villages où les enfants, habitués à voir passer ce monstre couleur de terre, nous saluaient avec de grands gestes. Nous nous sommes arrêtés à l’ombre d’un baobab millénaire pour partager une calebasse de « dolo », la bière de mil locale. C’est là, dans la quiétude de la brousse, que j’ai compris. La voiture n’est pas le but de l’aventure, c’est le prétexte. Le véritable voyage, c’est cette connexion avec un lieu et ses habitants, rendue possible par la passion d’un homme.

Si vous allez un jour à Bobo-Dioulasso, ne cherchez pas un taxi. Cherchez une légende. Cherchez Salif Moteur. C’est ce genre d’expérience, brute, authentique et profondément humaine, qui nous rappelle pourquoi nous voyageons.